J’ai longtemps imaginé les mines de charbon comme des endroits tristes, gris, où le biotope est ramené à son strict minimum. L’Homme est souvent le seul animal croisé dans ces paysages. Cependant, quel que soit l’endroit de la planète, là où il y a des mines de charbon, il se produit un phénomène d’une nature étonnante.
Cette manifestation (que j’ai découverte en relisant un ancien article de New Scientist) est autrement plus colorée que l’image que l’on peut garder d’un chapitre de Germinal.
Il s’agit de ce qu’on appelle des feux de mines de charbon. Ces incendies peuvent se déclarer dans un filon de manière naturelle ou du fait de l’homme. Ils consument alors l’ensemble du filon pendant des années, sans que l’homme ne puisse l’arrêter. Malgré l’apparente beauté de ces foyers, les feux de mines sont un désastre tant sur le plan écologique que sur le plan topographique.
Une combustion qui dérange
La lente combustion entraine une ribambelle de problèmes dans les lieux touchés. Bien entendu, l’aspect économique est le premier qui vient à l’esprit des plus capitalistes d’entre nous : une mine de charbon qui brûle, c’est autant de dollars qui partent en fumée. Cependant, deux enjeux plus globaux se produisent avec les incendies.
Le premier est la pollution de l’air : avec la combustion, l’air se charge de gaz toxiques à tel point que des villages entiers, trop proches des mines, ont du déménager pour éviter de souffrir des fumées. Les vapeurs rejettent du CO2 (gaz à effet de serre), du monoxyde de carbone (toxique à faible dose) et d’autres gaz et produits indésirables (radon, vapeur de mercure, vapeurs soufrées, …) ainsi que des nanoparticules carbonées retrouvées dans les fumeroles. Une cité minière de Pennsylvanie a par exemple été complétement desertée en 1960.
Le second problème est lié aux sols qui deviennent creux lorsque le charbon solide est consummé. Les infrastructures qui peuvent se trouver dessus risquent alors de s’effondrer. Comme les incendies ne sont parfois pas detectés à la surface, et qu’ils progressent de façon très lente, la prévention est difficile. De nombreuses vies humaines sont menacées de façon invisible par les terrains susceptibles de s’effondrer.
Un phénomène planétaire
La détection étant difficile, on estime tout de même qu’il y aurait plusieurs centaines voire plusieurs milliers de tels feux dans le monde. Les pays émergents, grands consommateurs de charbon, sont actuellement les plus touchés : l’Inde et la Chine en particulier.
Les deux photos utilisées ci-dessus ont été prises à Jharia, dans la province du Jharkhand en Inde. Sur ces terres, les feux brûlent maintenant depuis 1916, quasiment 100 ans. Le sol, l’eau et l’air environnants sont maintenant très pollués, ce qui impacte les populations locales.
La Chine est le plus grand producteur de charbon, avec une production annuelle approchant les 2.5 milliards de tonnes. Cependant, on estime qu’il brûle en moyenne jusqu’à 200 million de tonnes de charbon pendant le même laps de temps. C’est donc un dixième de la production annuelle qui part en fumée à cause de ces incendies sous-terrains. La quantité est telle que la pollution et l’émission de gaz à effet de serre engendrés inquiètent la communauté internationale (à l’heure où je termine cet article, la COP21 est en train de commencer).
La photo ci-dessus a été prise dans une mine de Ningxia, en Chine. Elle montre un mur entier qui vient de s’écrouler, mettant à jour l’incendie qui se trouvait derrière, et offrant ainsi plus d’oxygène pour alimenter le feu.
On retrouve de tels feux en Australie, aux USA, au Canada, en Allemagne, en Indonésie, en Norvège, en Afrique du Sud voire même en France (un feu tardif s’est déclenché à Saint Etienne sur une exploitation vieille de 100 ans).
Que faire pour contenir un feu de mine ?
Rappelons qu’un feu est en réalité une réaction chimique exothermique (qui produit de la chaleur) qui se manifeste par une flamme lors de l’oxydation d’un combustible. Le feu a besoin de trois ingrédients pour exister et se développer : un comburant (souvent l’oxygène), un combustible (ici le charbon) et une énergie d’activation (la chaleur).
Pour arrêter un incendie, il faut jouer sur l’un ou plusieurs de ces ingrédients. On peut par exemple refroidir un foyer pour le priver de son énergie d’activation, c’est ce que l’on fait lorsque l’on jette de l’eau sur le feu. On peut aussi retirer le comburant : les extincteurs fonctionnent sur ce principe, ils isolent le foyer de l’air avec de la mousse ou de la poudre. Enfin, si tout le combustible est consommé, la réaction s’arrète, et le feu aussi.
Dans le cas de mines de charbon, les foyers se trouvent souvent sous la surface du sol, et sont innaccessibles de façon directe et sans danger. Il faut alors utiliser des méthodes particulières de lutte.
Malgrè les énormes budgets alloués, il n’existe pas encore de méthode efficace. Les plus courantes consistent à innonder d’eau la mine (ou à l’asperger pendant plusieurs mois), ou bien à creuser autour du feu pour éviter sa propagation. Cependant, dans la quasi totalité des cas, le feu repart après plusieurs années, voire dizaines d’années.
Cette problématique nécessiterait probablement que de jeunes startups innovantes se penchent sur le problème. Un marché de plusieurs milliard de dollars se trouve encore vierge de toute solution technologique.
Le printemps 2015 a par exemple été l’occasion pour des étudiants de l’Université George Mason de publier une vidéo virale qui les montre en train d’éteindre un feu en utilisant des ondes sonores. Les ondes, à une fréquence bien choisie, permettent d’empêcher la circulation de l’oxygène, et donc étouffent le feu.
On pourrait se mettre à imaginer que les mines s’équipent de gros haut-parleurs pour “assourdir” les feux naissants et contenir les foyers actifs.
En savoir plus
Ressource en Anglais : http://www.smithsonianmag.com/travel/fire-in-the-hole-77895126/?no-ist